Les monotrèmes, bien qu’appartenant aux
mammifères, présentent des adaptations sensorielles uniques liées à leur mode de
vie semi-aquatique (ornithorynque) ou fouisseur (échidné). Voici comment se
développent leurs sens de la vue, de l’odorat, du goût, de l’audition et du
toucher.
1. Vue
Ornithorynque
Œil adapté à la vision sous-marine :
paupières épaisses et cristallin arrondi pour compenser la réfraction de
l’eau.
Acuité faible hors de l’eau ; il compte
surtout sur l’électrolocalisation lorsqu’il chasse les invertébrés.
Échidné
Vision réduite : yeux petits et paupières
peu mobiles.
Se fie davantage aux vibrations du sol et
à son odorat pour détecter proies et prédateurs.
2. Odorat
Échidné
Cavité nasale très développée ; bulbe
olfactif proportionnellement grand.
Utilise l’odorat pour localiser
termitières et fourmilières sous la litière.
Ornithorynque
Odorat modéré ; narines de surface sur le
bec pour capter les odeurs près de la berge.
Combine odorat et électrorécepteurs pour
distinguer proies et substrat.
3. Goût
Organes gustatifs
Papilles gustatives classiques sur la
langue, avec les cinq saveurs de base (salé, sucré, acide, amer, umami).
Goût peu documenté : semble surtout utile
pour éviter les substances toxiques ou avariées.
Particularité
Interaction étroite entre goût et odorat
; le goût perçu renforce l’identification olfactive des aliments.
Bonne sensibilité aux basses fréquences,
utile pour percevoir mouvements aquatiques.
Échidné
Oreilles camouflées sous les piquants ;
pavillons réduits.
Audition principalement destinée à
détecter prédateurs et congénères durant l’activité nocturne ou
crépusculaire.
5. Toucher
Échidné
Peau très innervée à la base des piquants
et sous les coussinets plantaires.
Mécanorécepteurs réagissent à la pression
et aux vibrations du sol.
Ornithorynque
Bourrelets tactiles sensibles sur le
pourtour du bec ; corpuscules de Merkel et de Meissner abondants.
Combine toucher et électrolocalisation :
chaque proie génère un champ électrique et une perturbation mécanique.
Morphologie des monotrèmes
Les monotrèmes présentent une combinaison
unique de caractères primitifs et dérivés, témoignant de leur position
filogénétique ancienne parmi les mammifères. Ils associent des traits
reptiliens (cloaque, épipubis, ceinture pectorale quadripartite) à des
caractères typiquement mammaliens (poils, glandes mammaires, trois
osselets).
1. Tégument et formations cornéennes
Les monotrèmes sont couverts soit de poils
denses (ornithorynque), soit de piquants mélangés à des poils
(échidnés). Chaque espèce possède un « bec » corné formé d’un
épaississement épidermique, non kératinisé chez l’ornithorynque, mais
plus rigide chez les échidnés pour fouir le sol et capturer les
insectes. Les mâles portent un éperon corné sur le tarse postérieur,
relié à une glande à venin (venimeux seulement chez l’ornithorynque).
2. Crâne et mandibule
Le crâne monotrème reste de type mammalien
(coquille crânienne soudée, trois osselets auditifs), mais se distingue
par :
Un pleurosphénoïde latéral prominent
et un alisphénoïde réduit.
Une mandibule formée d’un seul os
dentaire, les autres os mandibulaires reliquats fusionnant ou
disparaissant.
Chez l’ornithorynque juvénile, dents
maxillaires qui dégénèrent pour être remplacées par des plaques
cornées.
3. Ceinture pectorale et membres
La ceinture scapulaire monotrème conserve
des os ancestraux : procoracoïdes pairs, interclavicules et coracoïdes
développés, formant quatre pièces distinctes, comme chez les sauropsides.
Les membres antérieurs massifs, aux griffes creusantes chez l’échidné et
palmés chez l’ornithorynque, reflètent des modes de vie fouisseur vs
amphibie. Les pattes postérieures, non palmées chez les échidnés,
portent l’éperon venimeux chez le mâle ornithorynque.
4. Squelette pelvien et axial
Le rachis monotrème est assez semblable à
celui des autres mammifères, mais la ceinture pelvienne intègre deux os
marsupiaux (ou épipubis) ancrés sur le pubis. Les vertèbres présentent
des apophyses similaires aux thériens, tandis que les côtes et les
éléments sternaux restent classiques pour un mammifère homéotherme
imparfait.
5. Cloaca et appareil reproducteur
Comme chez les reptiles et oiseaux,
digestive, urinaire et génital convergent en un seul orifice : le
cloaque. Les femelles possèdent deux oviductes fonctionnels (seul
l’ovaire gauche actif chez l’ornithorynque), et pas de mamelons : le
lait s’écoule par des pores cutanés dans une zone pileuse spécialisée.
Les mâles ont un pénis intra-cloacal et ne développent pas de prostate
ou de vésicules séminales.
Mode de vie et comportement des
monotrèmes
Habitat et répartition géographique
Les monotrèmes occupent principalement les zones
humides et forestières d’Australie et de Nouvelle-Guinée. Les ornithorynques
sont liés aux cours d’eau, construisant leurs terriers sur les berges des
rivières et des lacs, tandis que les échidnés se déplacent sur le sol, préférant
les prairies et les sous-bois.
Alimentation et stratégies de recherche
Les monotrèmes sont omnivores et exploitent une
large gamme de ressources alimentaires, terrestres et aquatiques, grâce à des
adaptations morpho-sensorielles uniques.
Ornithorynque : poissons, crustacés et
insectes aquatiques repérés et capturés à l’aide d’un bec cornée
électro-sensible sous l’eau.
Échidnés :
fourmis, termites, insectes et vers attrapés avec un nez allongé et une
langue collante lors de la fouille du sol.
Fouissage, terriers et abris
Les monotrèmes sont d’excellents fouisseurs,
pourvus de pattes puissantes et de griffes robustes leur permettant de creuser
des terriers et des tunnels complexes. Ces abris souterrains, souvent situés en
zones humides, servent à la fois de refuge contre les prédateurs et de site de
nidification et d’élevage des jeunes. Chez les échidnés, les chambres
souterraines peuvent être profondes et remplies de moultes embranchements,
offrant une isolation thermique et une protection contre les menaces
extérieures.
Reproduction et soins parentaux
Les femelles monotrèmes pondent 1 à 3 œufs à
coquille souple et les incubent hors de leur corps.
Chez l’ornithorynque, les œufs sont déposés
dans un nid aménagé au fond du terrier, où la femelle les couve pendant
environ 10 jours.
Chez l’échidné, l’incubation s’effectue dans
une poche abdominale temporaire, durant jusqu’à 21 jours.
À l’éclosion, les jeunes sont alimentés par le
lait maternel sécrété à travers des pores cutanés, assurant une croissance
rapide jusqu’à leur départ du terrier
Régime alimentaire des monotrèmes
Aperçu général
Les monotrèmes sont principalement insectivores et
carnivores, exploitant une large gamme de proies aquatiques et terrestres grâce
à des adaptations sensorielles et morphologiques spécifiques.
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)
Se nourrit essentiellement d’invertébrés
aquatiques : vers, mollusques et insectes d’eau douce.
Capture également crustacés (crevettes,
écrevisses) et fragments végétaux lors de la recherche de nourriture.
Utilise un bec électro-sensible pour
localiser ses proies sous la boue et des pattes palmées pour fouiller le
substrat et nager efficacement.
Échidnés (Tachyglossus aculeatus et Zaglossus
spp.)
Ciblent principalement les fourmis et les
termites, mais aussi diverses larves d’insectes et des vers de terre.
Creusent le sol avec leurs griffes robustes
pour débusquer les colonies d’insectes.
Usent d’une longue langue gluante, recouverte
d’une salive visqueuse, pour aspirer instantanément leurs proies lors du
fouissage
Ces stratégies alimentaires illustrent l’adaptation fine des monotrèmes à leurs
niches respectives, l’ornithorynque exploitant les milieux aquatiques tandis que
les échidnés se spécialisent dans le fouissage terrestre.
Période et mode de reproduction et
vie de couple des monotrèmes
Période de reproduction
Les monotrèmes deviennent sexuellement matures
vers l’âge de 3 à 4 ans, après quoi ils participent à des saisons de
reproduction bien définies.
Chez l’ornithorynque, la saison de
reproduction s’étend généralement de juillet à octobre dans l’est de
l’Australie, tandis qu’en Tasmanie elle a lieu en février.
Chez les échidnés, l’accouplement se produit
entre avril et septembre, avec parfois jusqu’à 37 jours entre le début de la
poursuite et l’accouplement effectif.
Mode de reproduction
Les monotrèmes sont ovipares et possèdent un
cloaque unique commun aux systèmes digestif, urinaire et reproducteur.
La femelle pond 1 à 3 œufs à coquille mince
(18 × 14 mm chez l’ornithorynque), qu’elle dépose dans un nid aménagé ou une
poche cutanée temporaire.
L’incubation
dure environ 8 jours chez l’ornithorynque et jusqu’à 21 jours chez
l’échidné, sans que la femelle ne se nourrisse pendant cette période.
Après
l’éclosion, les jeunes lèchent le lait qui perle à la surface de champs
mammaires dépourvus de mamelons, assurant leur croissance jusqu’à leur
sortie du nid ou de la poche incubatrice.
Vie de couple et soins parentaux
En dehors de la saison de reproduction, les
monotrèmes sont des animaux essentiellement solitaires.
Lors de la reproduction, les échidnés forment
des « trains » de plusieurs mâles suivant une seule femelle sur plusieurs
semaines.
L’ornithorynque mâle n’intervient pas dans l’incubation ; la femelle reste
seule à couver et à élever les jeunes dans son terrier.
Les soins parentaux sont exclusivement
maternels : la femelle protège le nid, assure la succion du lait par les
jeunes et récupère de l’énergie en reprenant progressivement l’alimentation
après l’éclosion.
Dimorphisme sexuel chez les
monotrèmes
Vue d’ensemble
Le dimorphisme sexuel se manifeste chez les
monotrèmes principalement par des différences de taille, la présence de
structures spécialisées et, chez certaines espèces, des variations
comportementales lors de la saison de reproduction.
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)
Taille et poids
Mâle : 50–60 cm de long (dont 10–15 cm de
queue), 1,5–2 kg
Femelle : 40–50 cm, 0,7–1,4 kg
Éperon venimeux
Mâle : éperon corné sur chaque patte
arrière, relié à une glande à venin très active
Femelle : éperon rudimentaire et glande à
venin très réduite
Comportement reproducteur
Mâles engagés dans des combats à l’aide
de leurs éperons
Femelles seules pour l’incubation et
l’élevage dans le terrier
Échidnés (Tachyglossidae)
Taille et poids
Tachyglossus aculeatus (échidné à nez
court) : 30–45 cm, 2–7 kg
Zaglossus spp. (échidnés à nez long) :
jusqu’à 60 cm, 5–10 kg
Différences externes
Les mâles et les femelles présentent une
pilosité et des piquants très similaires
Aucun éperon venimeux chez les échidnés
Légère variation de taille
Femelles souvent un peu plus lourdes,
favorisant l’incubation dans la poche abdominale temporaire
Comportement reproducteur
Formations de « trains » de mâles lors de
la quête de la femelle
Aucun soin paternel observé
Le dimorphisme sexuel chez les
monotrèmes reste relativement modéré comparé à d’autres mammifères, mais il est
crucial pour la reproduction et la compétition intrasexuelle.
Dangerosité des monotrèmes pour
l’homme
Venin et éperons
Les mâles ornithorynques possèdent un éperon corné
relié à une glande sécrétant un venin coagulant. Une piqûre provoque de vives
douleurs, œdèmes et parfois une paralysie locale, pouvant durer plusieurs jours,
mais n’a jamais entraîné de décès humain.
Chez les échidnés, un éperon rudimentaire existe
chez le mâle, mais la glande associée est vestigiale et incapable de produire un
venin actif. Les échidnés ne sont donc pas venimeux.
Risques de blessures physiques
Morsure : les ornithorynques adultes n’ont
plus de dents ; ils broient leur nourriture avec des plaques cornées. Une
morsure réflexe peut blesser, mais sans gravité notable.
Griffes et piquants : les échidnés sont
protégés par leurs piquants dermiques et peuvent donner des coups de patte
griffus en cas de menace. Ces griffures sont douloureuses mais rarement
graves.
Zoonoses et transmission de maladies
À ce jour, aucune maladie grave transmissible à
l’homme n’a été clairement identifiée chez les monotrèmes. Leur contact avec
l’homme reste très limité et ne présente pas de risque sanitaire majeur.
Nage et respiration chez les
monotrèmes
Les monotrèmes regroupent l’ornithorynque,
véritable spécialiste de la nage, et les échidnés, nageurs beaucoup plus
limités. Leur morphologie et leur comportement reflètent ces différences
d’adaptation à l’eau.
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)
Morphologie
Membres antérieurs entièrement palmés,
transformés en pagaies puissantes.
Membres postérieurs et queue plate
servent de gouvernail et de stabilisateur.
Mécanique de nage
Propulsion alternée des pattes
antérieures, chaque coup de pale génère poussée et portance.
Queue et pattes arrière ajustent la
trajectoire, comme un gouvernail.
Comportement sous-marin
Plonge jusqu’à 30 secondes, yeux et
narines fermés par des clapets.
Chasse invertébrés en “fouillant” le fond
grâce à l’électrolocalisation du bec.
Échidné (genre Tachyglossus et Zaglossus)
Morphologie
Pattes non palmées : griffes robustes
adaptées au creusement, pas à la nage.
Corps trapu et recouvert de piquants, ce
qui augmente la traînée dans l’eau.
Capacité de nage
Peut nager en surface en battant les
pattes antérieures et en remuant la queue.
Se sert de la flottabilité naturelle de
son pelage pour rester à flot.
Chasse occasionnelle de proies
aquatiques, mais préfère éviter l’eau profonde.
Rôle et fonction
Fuite face aux prédateurs : traversée de
petits cours d’eau ou lacs.
Jamais de longues immersions : sort
rapidement, sa thermorégulation est limitée.
Hibernation ou hivernation chez
les Monotrèmes
Hibernation vs hivernation – rappel
Hibernation : état de léthargie profond où
température et métabolisme chutent fortement, retour à l’éveil lent et
coûteux en énergie.
Hivernation : simple somnolence hivernale,
température corporelle et métabolisme ne baissent que modérément, réveils
fréquents et rapides.
Monotrèmes et hibernation
L’hibernation des mammifères se rencontre dans
tous les ordres, y compris les monotrèmes et les marsupiaux.
Toutefois, selon l’espèce, la stratégie hivernale varie fortement.
Échidné (Tachyglossus aculeatus)
Peut entrer en véritable hibernation :
longues périodes de torpeur profonde annuelles, parfois plusieurs semaines
d’interruption d’activité.
Température corporelle descend près du seuil
minimal compatible avec la survie, rythme cardiaque et respiration ralentis
au maximum.
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)
Ne pratique pas de vraie hibernation : reste
actif toute l’année.
Utilise plutôt des torpeurs journalières pour
économiser de l’énergie lors des journées froides ou en cas de pénurie de
nourriture.
Prédateurs des Monotrèmes
Ornithorynque
Les ornithorynques, semi-aquatiques et nocturnes,
subissent les attaques de prédateurs tant dans l’eau que sur la terre ferme.
Aquatiques
Poissons carnivores de grande taille
(perches, esturgeons…)
Oiseaux pêcheurs (martins-pêcheurs,
hérons)
Terrestres
Renards rouges (en Tasmanie)
Dingos et chiens errants
Chats sauvages
Échidnés
Les échidnés sont lentement mobiles, mais leurs
piquants ne dissuadent pas toujours les prédateurs voraces.
Mammifères introduits
Renards rouges
Chats domestiques et sauvages
Chiens errants
Reptiles
Varans (goannas)
Serpents de taille moyenne
Oiseaux de proie
Aigles (notamment le Wedge-tailed eagle)
Menaces anthropiques et indirectes
Outre la prédation naturelle, les monotrèmes
pâtissent des espèces exotiques et des activités humaines :
Rats et opossums qui pillent les nids ou
mangent les œufs
Destruction d’habitats (drainage des cours
d’eau, déforestation)
Pollution de l’eau et fragmentation des
populations
Distribution géographique des
monotrèmes
Répartition générale
Les monotrèmes sont exclusivement présents dans
l’écorégion australasienne, à savoir l’Australie (continentale, dont la
Tasmanie) et l’île de Nouvelle-Guinée.
Répartition par groupe et espèce
Ornithorynque (Ornithorhynchus anatinus)
L’espèce fréquente les cours d’eau, rivières et zones riveraines de l’Est
australien, depuis les basses terres tropicales du nord du Queensland
jusqu’aux rivières tempérées de Tasmanie.
Échidné à
bec court (Tachyglossus aculeatus) Réparti à travers l’ensemble du continent
australien et l’île de Nouvelle-Guinée, cette espèce occupe des habitats
variés, des forêts aux prairies ouvertes.
Échidnés à
bec long (genre Zaglossus : Z. bruijni, Z. bartoni, Z. attenboroughi) Ces
trois espèces se rencontrent uniquement en Nouvelle-Guinée, où elles sont
confinées aux massifs montagneux et forêts d’altitude.
Types d’habitats
Cours d’eau douce, rivières et berges boisées
pour l’ornithorynque
Forêts
humides, prairies et zones sylvatiques pour les échidnés terrestres